19/05/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Le luxe se montre

01/01/2004
Voici l’un des quatre modèles existants de la Grande Sonnerie Rétrograde, de Gérald Genta, acheté ici par un collectionneur pour la somme de 1 million de dollars américains.

L'exposition d'une formule 1 appartenant à l'écurie Williams BMW au mois d'août à Taipei a marqué le lancement de l'édition limitée du chronographe Williams F1 Team de l'horloger suisse Oris. Ce coup publicitaire a contribué à la vente quasi immédiate des 120 montres attribuées par le fabricant au marché taiwanais, à raison de 1 800 euros l'unité. La vigueur du marché local des montres de luxe était une fois de plus démontrée, malgré tout ce qu'on a pu entendre dire sur la situation économique dans l'île.

D'autant que le succès du chronographe d'Oris n'est pas isolé. Les revendeurs locaux se sont encore frotté les mains lorsque Omega, un autre fabricant, a commercialisé son édition limitée en or du modèle Michael Schumacher Speedmaster - le fameux coureur automobile prête son nom aux montres Omega depuis plusieurs années déjà - : tous les modèles importés dans l'île ont été vendus le jour même du lancement, malgré les 12 000 euros qu'il en coûtait pour acquérir l'un d'entre eux.

« Les Taiwanais adorent les montres, commente Roger Tseng [曾士昕], un connaisseur et un collectionneur de longue date. Contrairement à Hongkong où la plupart des montres-bracelets de marque sont achetées par des touristes, ces accessoires de luxe sont absorbés ici par le marché local. » Ainsi, Taiwan est un partenaire commercial important de la Suisse - du moins dans le domaine de l'industrie horlogère, plaisante-t-il.

Il est vrai que la Suisse, reconnue mondialement comme la patrie de la montre, a exporté beaucoup de ces petits mécanismes vers Taiwan. De janvier à août 2003, le montant de ces ventes a atteint 68 millions d'euros. Selon la fédération de l'Industrie horlogère suisse, Taiwan est depuis quelques années le 10e ou le 11e importateur de montres suisses dans le monde.

Ce que confirme volontiers Roger Tseng qui estime que Taiwan est l'un des dix premiers marchés pour des marques connues comme Patek Philippe, Audemars Piguet ou Vacheron Constantin. Il ajoute que l'île, malgré une population limitée (23 millions d'habitants), est le 2e plus gros marché étranger de la marque Oris, juste derrière le Japon.

Le luxe se montre

Une réplique de l'horloge à eau inventée en 1088 en Chine, exposée au musée national des Sciences. (Photos aimablement fournies par Roger Tseng)

Pour les Asiatiques, une maison, une voiture ou une montre constituent des symboles de statut social. Une montre accompagnant son propriétaire dans tous ses déplacements, elle est un accessoire qui permet d'affirmer partout sa position sociale. La montre est devenue à Taiwan un véritable phénomène de société, au point que l'on trouve ici en kiosque cinq revues spécialisées publiées en chinois.

Stars du petit écran ou riches industriels achètent des montres, pour eux-mêmes ou pour les offrir. De nos jours, ce ne sont plus seulement des hommes d'affaires d'âge mûr et leurs épouses couvertes de bijoux qui arborent des montres de luxe. Les jeunes âgés de 20 à 30 ans dépensent également sans hésiter plusieurs milliers d'euros pour avoir le privilège de porter une Rolex. De plus en plus de jeunes achètent donc des marques, en particulier celles qui proposent des mouvements mécaniques.

Les tech rich - expression américaine qui désigne les personnes, en général jeunes, qui se sont enrichies en investissant dans les sociétés de haute technologie - achèteront sans problème trois ou quatre montres de luxe par an. C'est que ces derniers ont de gros revenus et ne ressentent pas forcément le besoin d'épargner.

La plupart des amateurs dépensent donc sans compter pour s'acheter des montres qui ne serviront souvent qu'à enrichir leur collection. On assiste même à un étrange phénomène, explique Roger Tseng : il leur arrive d'acheter plusieurs montres d'un même modèle, parfois en différentes couleurs. « Beaucoup achètent pour leur collection le même modèle en or 18 carats, en acier inoxydable, en or rose et en platine. Je connais personnellement quelqu'un qui achète systématiquement deux montres du même modèle - une qu'il porte au poignet et l'autre qu'il range dans sa collection, dit Roger Tseng en pointant du doigt sa montre Patek Philippe. Les montres ne servent pas seulement à indiquer l'heure. Ce sont de véritables œuvres d'art.»

En tout cas, les mordus taiwanais savent ce qu'ils veulent. Ils semblent pour la plupart fascinés par les mouvements mécaniques et posent des questions très techniques aux revendeurs, que ce soit à propos du choix des matériaux, du nombre de pierres précieuses dans les mécanismes ou d'oscillations par seconde. Roger Tseng décrit ses pairs comme les acheteurs les plus difficiles au monde, mais précise qu'ils ont l'argent et le savoir nécessaire pour apprécier l'art d'une montre réglée avec précision.

Le luxe se montre

Qui n'a pas remarqué ces boutiques de montres de luxe en général installées au coin de deux rues passantes?

Les fabricants suisses n'ignorent pas le potentiel du marché taiwanais et le montrent en le choisissant parfois comme la première étape pour le lancement à l'étranger de leurs nouveaux produits. Il y a quelques mois, Girard-Perregaux a commercialisé en même temps à Taiwan ses modèles Opera One et Opera Two, une série de deux montres au mécanisme complexe vendue à 460 000 euros. Ces deux modèles n'ont été présentés ensemble dans aucun autre pays.

On compte actuellement plus de 100 marques différentes revendues à Taiwan. Cette année, 15 nouvelles marques ont été lancées sur place, signe de la bonne santé du marché insulaire. Certains considèrent l'achat d'une montre comme un investissement pour la simple raison que leur valeur peut augmenter, en dépit de l'instabilité des taux de change. Pour les mordus, acheter une montre peut s'avérer une bonne façon d'épargner. C'est pour cette raison que les boutiques de montres d'occasion font elles aussi de bonnes affaires.

« Taiwan compte une dizaine de magasins de ce genre. Et le prix des montres d'occasion a augmenté cette année, continue Roger Tseng. Les clients viennent y échanger un modèle contre un autre qu'ils recherchaient depuis longtemps, ou simplement, ils veulent en contrepartie de l'argent liquide. » Il est intéressant de noter que ces boutiques sont devenues le refuge de personnes peu disposées à fréquenter un prêteur sur gage. « Beaucoup pensent encore qu'il faut être vraiment désespéré pour passer par les services d'un prêteur sur gage. Ceux qui avaient autrefois les moyens de s'offrir de tels objets de luxe ne veulent probablement pas perdre la face en traitant avec ces personnes », indique Roger Tseng.

Depuis une vingtaine d'années, Rolex domine le marché taiwanais, grâce à sa réputation. Cette marque est probablement la plus facile à reconnaître parmi toutes les montres de prestige. Que ce soit au poignet d'un politicien ou d'un truand, une Rolex met en valeur son propriétaire. C'est aussi pour cette raison que les contrefaçons sont nombreuses.

Pour Roger Tseng, les montres ont une vie qui leur est propre. En fait, dit-il, elles correspondent plus à une forme d'art ou d'art de vivre - qu'à un moyen d'étaler sa richesse. Forme d'art ou pas, le cachet d'une montre de prestige attirera toujours. ■

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